Mais quelle énergie vitale nourrissait donc cet Adonis, beau à damner un saint, à enchanter les anges, à faire chanter les sirènes ? Dans sa hâte de partir au secours de son autre, il s’élance à la poursuite de ces destins insoumis, avec pour seul vêtement sa volonté et une chemise de cachemire. Rompue de fatigue et à demi inconsciente des premiers soins qu’elle prodiguait à quelques amputés, elle n’aurait jamais cru pouvoir assister à un tel déchaînement d’émotions brutes, au fond de son âme. Assister à la belle envolée de ce papillon de nuit, qui, l’apercevant, bravait tous les interdits, la fit presque défaillir. Quelle poésie, quel lyrisme dans sa façon à lui, mâle conquérant et plein de vie, de s’avancer vers elle, pauvre chose exténuée et sans grande importance. Il ne pouvait s’empêcher de s’arrêter, souvent, pour prodiguer quelques soins aux pauvres victimes d’un conflit qui n’était pas le sien, pansant tantôt une plaie, murmurant tantôt une parole de réconfort à celui qui, sans nul doute, ne tarderait à mourir. Voir la vie abrégée à quelques années maudites passées dans un pays poussiéreux, où le quotidien n’est que peur, et où il n’existe rien de moins incertain que demain, aurait brisé bien des cœurs si toute cette horreur avait pu filtrer dans des médias moins corrompus. Mais malgré cela, pas un instant il ne la lâche des yeux, de peur de la voir disparaître à nouveau, tandis que l’espace entre eux diminuait, bien trop lentement à leur goût. Et même là, dans le chaos des corps en déperdition, où la sueur se mêlait aux parfums acides des produits aseptisés, elle savait que tout n’était pas perdu, et que tant que lutterons des corps comme le sien, l’avenir serait un peu plus anthracite que noir de jaie. Et enfin, dans la violence déchaînée de l’Irak occupée, les amants perdus se retrouvent, mêlant leurs larmes soulagées, s’étreignant à s’en faire mal. La bombe éclata juste à côté de l’hôpital, soufflant toute étincelle de vie dans un rayon de plusieurs dizaines de kilomètres. Un éclat de lumière originelle et sauvage rayonna brièvement avant l’anéantissement d’un amour inconditionnel, pour ne laisser place qu’au néant.
Texte écrit dans le cadre de l’atelier A vos claviers #6 de L’atelier sous les feuilles. La contrainte, cette fois, était d’intégrer les mots suivants : Energie, Partir, Destins, Cachemire, Belle, Soins, Mourir, Demain, Corps, Amants (en gras dans le texte, et dans l’ordre !). Merci Estelle pour ce challenge !
Crédit Image : Futura-Sciences
Ce texte est véritablement poignant… Il contient tant de vie et à la fois tant de mort… Merci pour cette belle participation.
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Je te remercie, les mots sont sortis du cœur. RDV au mois de mai pour de nouvelles aventures, pour un texte un peu plus joyeux cette fois !
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Je rejoins Estelle, un texte poignant. La vie, la mort se côtoient si fragilement, facilement dans ces conflits qui secouent le monde.
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Merci Marie. La frontière est si mince entre le bonheur et l’anéantissement… un fil.
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Bravo! Un texte magnifique!!!
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Merci 😀
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émouvant ,poignant , hélas le triste sort pour certains aujourd’hui
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Malgré la chute, terrible, c’est un récit tout en retenu, comme une flamme vacillante mais néanmoins fortement présente qui trace en quelques mots des parcours de vie fugace…
Beau texte.
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Merci beaucoup Laurence
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L’amour fleurit, parce qu’il trouve toujours un coeur fertile pour y croître, même dans les endroits où règne la guerre et la dévastation. Malgré une fin tragique, ça reste un message d’espoir. Merci pour ces mots.
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